Intérêt individuel

L’intérêt individuel est un des fondements de la coopération. Dans un système dans lequel les individus disposent de liberté, chacun cherche en effet à maximiser le sien. C’est un puissant moteur dans le choix d’une stratégie, même si ce n’est pas le seul.

La coopération part du constat que pour atteindre l’objectif de maximisation de son intérêt individuel, un agent rationnel a besoin des autres. Partant de là, en simplifiant, deux choix s’offrent à lui : tenter de profiter des autres en maximisant son intérêt à leurs dépens, ou coopérer avec eux, c’est-à-dire prendre en considération que les autres ont aussi des intérêts qu’ils défendent : en leur apportant son concours, l’individu escompte la réciproque. Au final, des boucles de rétroaction vertueuses s’enclenchent permettant au système de maximiser son utilité dans son ensemble, ce qui le rend plus performant que d’autres systèmes.

Néanmoins, des inégalités peuvent exister à l’intérieur du système, certains agents tirant mieux leur épingle du jeu que d’autres. Mais dans l’ensemble, la stratégie coopérative profite au groupe et le rend plus fort que d’autres groupes qui auraient choisi d’autres stratégies.

Donnant – donnant

The evolution of cooperationCe billet est le premier d’une série sur la théorie de la coopération, dans lesquels nous reviendrons notamment sur les travaux de Robert Axelrod. Entre autres réalisations, Robert Axelrod est l’auteur de l’ouvrage The evolution of cooperation, publié en français sous le titre attrayant, provocateur mais réducteur “Comment réussir dans un monde d’égoïstes ?” Vous trouverez dans le centre de ressources un résumé et commentaire de ce livre par François Audiat.

Le livre passe en revue différentes stratégies d’interaction entre les membres d’un groupe. Parmi ces stratégies, il y a le modèle dit “donnant – donnant”. Le principe de la coopération donnant – donnant consiste à interagir sur un mode coopératif avec un partenaire tant que celui-ci fait de même. A la première défection, le modèle invite à réagir immédiatement et avec la même intensité ; puis, au tour suivant, à reproposer une coopération. En tout état de cause, avec ce modèle, on n’agresse jamais le premier, on réagit à la première agression, et puis on repart sur un mode coopératif.

Robert Axelrod a montré dans son ouvrage que cette stratégie était efficace et pouvait même s’imposer en absence d’amitié ou d’amour, par la seule force des intérêts bien compris des uns et des autres. Ce modèle n’est pas nécessairement le plus efficace pour un acteur pris isolément. Mais il permet de lui apporter une valeur sur le long terme et bénéficie durablement au groupe. C’est pourquoi il est si pertinent, je trouve, en entreprise, et plus généralement dans les groupes humains.

Axelrod décrit et analyse des tournois organisés dans les années 80 entre des agents artificiels (petits logiciels) ayant chacun sa stratégie. Certains coopéraient toujours, quelle que soit l’attitude de l’autre. En quelque sorte, même lorsqu’on les frappait, ils tendaient l’autre joue ; d’autres, coopéraient toujours jusqu’à un certain point où ils faisaient défection, « trahissaient » leurs partenaires ; d’autres encore avaient un comportement aléatoire, etc. Finalement, le modèle dit donnant – donnant s’avérait l’un des plus robustes.

En tant qu’êtres humains, nous pouvons, consciemment, nous, sans être programmés, choisir cette stratégie. Mais est-ce si simple ? Bien sûr que non. Les prochains billets traiteront justement des limites qui nous entravent dans notre volonté de coopérer.