Coopération (2) : l’enfer est pavé de bonnes intentions

Pour paraphraser Gide, c’est avec les beaux sentiments que l’on fait de la mauvaise coopération. Plus exactement, la coopération n’est pas du registre des sentiments. L’exemple des tournois logiciels organisés par Axelrod le prouve assez : des robots programmés peuvent avoir un comportement coopératif. On verra même dans un futur billet que les passions peuvent contrecarrer la coopération. Néanmoins, l’homme est fait autant, sinon plus, de passion que de raison. Que l’on s’en réjouisse ou qu’on s’y résigne, c’est ainsi. La dimension émotive impacte donc nécessairement la coopération. Si la coopération n’est pas affaire d’intentions, elle est affaire de communication de ses intentions. Il s’agit non seulement de coopérer par des actes mais aussi signifier son intention de coopérer.

Les choses se corsent dès lors que l’on considère que coopérer avec quelqu’un consiste à effectuer une action favorable à ses intérêts et qu’inversement un comportement hostile doit être sanctionné immédiatement par un comportement hostile de même intensité. Le problème, c’est que tout est question d’estimation :

  • comment puis-je connaître les intérêts de mon partenaire ?
  • est-ce que, même, je suis toujours conscient de mes propres intérêts ?
  • si je sanctionne un comportement que je juge hostile alors qu’il était neutre dans l’esprit de mon partenaire (erreur d’appréciation), ma sanction risque d’être incomprise
  • existe t-il une échelle qui permette de comparer l’intensité des actes coopératifs ou adverses ?
  • Lorsque l’on essaye de jouer sur un mode coopératif avec ses partenaires, il faut faire en sorte que ses actions soient le plus intelligibles possibles. Cela nécessite du savoir-faire et du faire-savoir : j’agis de telle façon avec toi et je t’explique pourquoi. Autrement dit, la coopération met en oeuvre des compétences certaines en psychologie et en communication.

    Quand les mots du mail font mal

    Comment bien communiquer par e-mail ?La communication est une brique de base de la coopération. Il importe donc qu’elle soit efficace. Or, l’efficacité de la communication passe aussi par les émotions. La communication appropriée des émotions devrait donc faire partie de l’attirail d’outils indispensables dans l’entreprise. On se doutait déjà que des progrès substantiels restaient à faire dans ce domaine ; une étude américaine le démontre de manière éclatante sur un sujet précis : la communication par e-mail.

    Nous pensons communiquer clairement nos émotions dans nos e-mails. Souvent, il n’en est rien.

    En substance, les expériences de Justin Kruger (Stern School of Business), Nicholas Epley (University of Chicago), Jason Parker et Zhi-Wen Ng (University of Illinois) ont mis en évidence ceci :

    Nous sommes trop confiants dans notre capacité à communiquer efficacement nos émotions par e-mail. Parce que nous sommes animés par des émotions au moment où nous écrivons, nous croyons inconsciemment que le destinataire de notre message voit le monde de la même façon et recevra cinq sur cinq ces émotions. En réalite, il ne reçoit que des mots (en l’absence d’intonation, de gestes, d’expressions faciales qui seraient des indices) et il est lui-même dans un état émotionnel peut-être tout à fait différent. Comme le destinataire a tendance lui aussi à croire inconsciemment que l’expéditeur voit le monde de la même façon, il est aussi trop confiant dans sa capacité à interpréter les émotions que ce dernier a voulu communiquer dans son message. D’où de multiples incompréhensions

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